dimanche 11 mai 2014

Kuujjuaraapik

Sortir dehors avec pas de tuque, des déchets qui se révèlent graduellement à nos yeux, des nids-de-poule qui font regretter ceux de Montréal; oui, le printemps est bien installé. Lors de mon arrivée en novembre, rien ne laissait présager qu'il put y avoir une autre saison que l'hiver ici. Pourtant, les glaces fondent maintenant sur les cours d'eau tandis que le soleil se couche vers 22h. De plus en plus, des locaux s'absentent du travail afin de chasser/pêcher. On ne peut les blâmer de chercher à nourrir leur famille, mais ce n'est pas une sinécure pour un employeur...

Mon travail est toujours aussi grisant. À mesure que les dossiers s'accumulent, je visite de nouveaux villages et des familles aux prises avec des problématiques différentes. Un défi majeur est d'amener les parents à considérer l'école comme une priorité. Bien souvent, eux-mêmes ont peu fréquenté l'école et ne croient donc pas au bien-fondé de celles-ci. Par conséquent, l'enfant n'est pas guidé à se lever le matin, à faire ses devoirs, à respecter les enseignants... Il y a beaucoup d'éducation à faire à ce niveau. Je me suis donné comme mandat d'établir une communication entre les établissements scolaires et les familles. C'est ambitieux, mais nécessaire.

En escortant un jeune vers Kuujjuaraapik il y a quelques semaines, j'ai eu l'occasion d'y séjourner quelques jours. Situé tout en bas de la Baie d'Hudson, il y fait bien plus chaud que dans les autres villages. La seule communauté regroupant des Cris et des Inuit au Québec, elle détient 4 appellations officielles outre son nom inuktitut; Poste-de-la-Baleine, Great Whale River et Whapmagoostui. De ce que j'ai pu entendre et observer, il n'y a pas de conflits entre les deux cultures. On parle plutôt d'une certaine rivalité. Au lieu de mettre son argent en commun, ils cherchent à se surpasser mutuellement en construisant un meilleur gym, une plus grosse piscine... D'ailleurs, les Inuit ont mis le paquet. La salle d'entraînement est magnifique.

                                                                    C'est un Triple Gym!!


                                                                                                Un Inukshuk

                                                          Bear et Whale Streets. Je n'ai rien contre les nombreux Saints,
                                                                  mais il me semble que la rue Ours a plus de punch.

J'ai eu la chance d'assister à ma première messe nordique. Dimanche 18h. On entre dans une maison en apparence ordinaire. On se dirige vers le sous-sol, un homme blanc enthousiaste nous accueille en français. On s'assoit au fond de la salle qui se remplit à vue d'oeil. L'homme sert des mains, échange des plaisanteries, taquine les enfants. J'entends qu'il y a bien plus de gens qui se présentent lorsqu'un repas accompagne la cérémonie. On nous sert une assiette de caribou, orignal et légumes. C'est très bon, quoique l'on doive travailler fort afin de garder l'assiette en équilibre sur nos genoux. Après s'être rassasié, on passe au sermon. Le pasteur est un vieux francophone qui a probablement appris l'anglais hier. Il s'exprime difficilement, heureusement que les acétates donnent du poids à ses dires. Des chants rythmées nous mettent à contribution.


Un gâteau trop sucré viendra clore le tout. Pas de quêtes ni de promesses. Nous retraitons simplement à la maison l'estomac plein et chansons en tête. Je suis converti.


Je me serais attiré des critiques si je n'avais pas expérimenté les bars locaux. En effet, il s'agit du seul village alcoolisé à l'extérieur de Kuujjuaq. C'est donc dans l'intérêt de la science que j'y ai dédié mon samedi soir. Au premier abord, le premier est agréable. Un endroit propre avec des chandails de hockey accrochés au mur, des écrans géants. Une mini Cage aux Sports. La 500mL de Keith's à 8$ est abordable. Une fois de plus, l'expérience se gâte alors que la soirée progresse. Un jeune homme éméché vient complimenter mes yeux aux 5 minutes. Une femme intoxiquée, le visage meurtri par l'alcool, flirte avec un francophone de notre table. Il ne tient pas à la connaître, mais il doit rester poli afin d'éviter un conflit. C'est le mari jaloux de cette femme qui se charge d'attiser le feu en menaçant notre ami de son poing. Un allié inconnu se charge d'éloigner ce malheureux.

La fatigue ne nous empêche pas de faire un tour dans le nightclub de l'endroit. Un grand hangar gris, des néons de cafétéria, des tables de billard délavées. La chanson qui nous accueille? Vous vous rappelez In the Shadows de The Rasmus? C'était en 2003.  Peut-être que le décor est planté dans l'optique de pousser les gens à consommer... Bref, nous y passons peu de temps et quittons sagement avant les potentielles bagarres de fin de soirée.

Plusieurs fans de hockey ici. Certaines personnes se font un plaisir d'arborer une casquette des Bruins dans la rue. Ils seront bien déçus... Retour à Montréal le 22!