dimanche 7 décembre 2014

Faits divers

Réglons la question d’emblée : l’hiver s’est définitivement installé dans les premiers jours de novembre. -30C avec le facteur éolien. Il fait encore noir à 8h le matin et le soleil est déjà couché à 15h. Plusieurs collègues sont accros à leur pilule matinale de vitamine D afin de compenser la quasi absence de soleil. Pour ma part, je mise sur un entraînement en salle à tous les soirs. Chaque goutte de sueur versée nous ramène plus près d’une réalité qui parfois nous échappe. Car il est facile d’oublier le tourbillon, certains diront ‘la vraie vie’ de la ville, lorsque nous sommes submergés par toute cette blancheur.

                                                                           Salluit!

Depuis quelques semaines, un spectacle gratuit vient illuminer l’âme une fois le soleil disparu à l’horizon. Plus abordable qu’une soirée aux vues et moins frustrante que 3h au Centre Bell. Voici une aurore boréale:

    Mes yeux avaient tout enregistré, mais cette splendide photo est une gracieuseté de ma collègue de Salluit, Catherine.      Je ne dispose pas du matériel ni de l'habileté pour accomplir cela. Merci!

Au Moyen Âge, leur teinte rouge était un présage de malheur. De leur côté, les Inuit les associaient à des torches facilitant le passage des esprits des morts. Pour moi, il s’agit d’un simple ‘Allô!’ lancé par les astres. Un party céleste auquel nous sommes tous conviés. Pourtant, il y a une explication scientifique à ce phénomène. C’est un vent solaire qui dirige les particules du soleil vers les pôles magnétiques de la Terre, favorisant le Nord canadien et la Scandinavie. Lorsqu’elles entrent en contact avec les gaz de notre atmosphère, la réaction chimique engendre de la lumière. C’est l’altitude qui détermine la couleur qui varie entre le rouge, le vert et le bleu. Synonyme de basse altitude (100km), la couleur verte est la plus fréquente. C’est une véritable danse qui se déroule sous nos yeux. Vous savez comment les patineurs artistiques obtiennent des points bonis lorsqu’ils utilisent le moindre petit centimètre de la patinoire? Les aurores obtiennent tous les points à l’enjeu. C’est une véritable foire, un cirque qui a la faculté inouïe de s’effacer de notre regard pour rejaillir instantanément loin derrière nous. C’est magnifique.


Le changement de registre sera difficile pour certains, mais j’ai eu la chance d’assister à la toute fin d’une chasse au béluga à Wakeham Bay. La rumeur courait tout au long de la journée. Des sources bien au fait du dossier faisaient état d’un regroupement de canots et de chasseurs qui repèrent un troupeau de bélugas. Ils sont habilement orientés vers la grève. Une fois à distance rapprochée de celle-ci, les armes font feu. Les corps sont ensuite remorqués sur la plage. Le mot se répand; les villageois se présentent en voiture, en 4 roues et se partagent le prix. C’est beau à voir :



                                                              C'est tout ce qu'il reste à la fin.


Je tiens à rassurer les défenseurs des droits des animaux. Une loi non-écrite parmi les Inuit souligne qu’un animal sera seulement tué avec l’intention de le manger. Pas de gaspillage ou de coups de feu pour le plaisir. Les excédents sont redirigés vers le « community freezer » qui nourrira les familles de la communauté durant les temps durs de février.

Dans le même ordre d’idées, j’ai profité d’un repas traditionnel avec  les jeunes d’un de nos centres. Au menu, caribou et omble chevalier congelés. La sauce soya fait office de trempette.


Le verdict? Le fait que les viandes étaient congelées a grandement facilité l’expérience. Le caribou est coriace sous la dent. Le poisson est peu goûteux. Les jeunes ont raffolé du souper. Ils étaient définitivement dans leur élément alors qu’ils coupaient habilement la viande tout en échangeant des blagues dans leur langue maternelle. Ça leur rappelait des jours heureux.


Les Arctic Winter Games, c’est un événement qui regroupe des nations nordiques dans une ambiance de sports et de camaraderie. L’Alaska, le Nunavut, le Yukon et bien sûr le Nunavik sont parmi les participants de cette compétition qui se tient tous les 2 ans. On y retrouve un joyeux mélange d’épreuves traditionnelles occidentales (biathlon, hockey, badminton, etc.) et inuit (head pull –tir à la tête?-, saut en hauteur à un pied). Il est assez fréquent de voir des adolescents pratiquer le saut en hauteur à un pied dans les gymnases et salles d’entraînement. Au départ, l’athlète est assis par terre dans une position qui rappelle l’indien. Puis, il utilise une de ses jambes afin de se propulser dans les airs et atteindre la balle avec son autre pied. La description ne rend pas justice au coefficient de difficulté et cette médiocre photo en action n’aide en rien. Qu'importe:



Pour les intéressés, les prochains Jeux se tiennent au Groenland à l’hiver 2016. On peut se porter volontaire pour veiller au bon déroulement des activités, et en profiter pour explorer un coin de pays unique. www.awg2016.org

Le travail amène toujours sa part de défis. Le dernier en date est d'accompagner une ado dépressive de 17 1/2 ans dans sa quête d'un avenir, d'une identité. Même à Montréal, cela peut se révéler difficile malgré la variété d'écoles, de boulots divers, de spécialistes en orientation et en santé... Dans un scénario nordique, les écoles offrent peu de débouchés et un choix d'emploi se fait entre l'épicerie et la garderie. Et bien sûr les spécialistes se font très rares. Une mère alcoolique et de la violence à la maison ne font qu'assombrir le tableau. Comment éviter que cette jeune fille ne se retrouve démunie comme tant d'autres lorsqu'elle aura 18 ans?! Je passe la fin de semaine à Salluit et un 3e suicide en quelques semaines est venu secouer la communauté la nuit dernière. Cette fois, c'est un jeune de 16 qui supportait courageusement l'alcoolisme de son père depuis toujours. Il avait accompli son cours de sauveteur et travaillait à la piscine. Mais la résilience a ses limites... En cherchant à tout prix à améliorer le présent de ce peuple, n'avons-nous pas assombri leur vision du futur?

Sur une note plus légère. Je marchais de bon matin quand deux adorables chiots sont venus me témoigner toute leur affection. Je m'arrête afin de leur rendre la pareille, et je l'admets, une folle envie d'en dérober un. Il n'en fallait pas plus pour que la mère sorte de nulle part en hurlant, la gueule grande ouverte. J'ai compris le message et déguerpi. On ne le voit guère sur la photo, mais le feu émanant des yeux de la maman était terrifiant.