Avant d’y
mettre les pieds, on imagine le Nord comme une immense étendue uniformément blanche
rassemblant des villages et des habitants similaires. Bon, ce n’est pas tout à
fait faux. Il demeure que parfois, dans la vie, on ressent le besoin de sortir
de ses pantoufles. On se hasarde donc à changer d’emploi, de village et on se
croise les doigts. Puis, la vie nous sourit : )
J’ai
déménagé mes pénates à Inukjuak, 2 petits parallèles plus bas que Kangirsuk.
Mais surtout, je passe de la Baie d’Ungava à la Baie d’Hudson! Pour les
non-initiés, sachez qu’il existe une certaine rivalité/confusion entre les deux
côtes. Chacune est desservie par un Centre de Santé qui lui est propre;
Tulattavik sur l’Ungava et Inuulitsivik sur l’Hudson. Ces deux organisations
offrent pratiquement les mêmes services et les mêmes emplois, tout en étant
gérées de manière distincte. On connaît des gens qui ont dû repasser à travers
tout le processus d’embauche afin de pratiquer le même travail sur l’autre
côte. L’harmonisation des services à l’ensemble du Nunavik est discutée depuis
plusieurs années, mais il n’y a jamais rien de simple au Nord. Pour ajouter à
la confusion, je suis encore employé par l’Ungava bien que je travaille maintenant
sur l’Hudson. Enfin…
Un tout
nouveau Centre pour adolescentes a transféré ses activités de Montréal à
Inukjuak. On vient tout juste de l’inaugurer. J’ai entendu différents termes
pour désigner le bâtiment; palais, château, gouffre à argent… Gouffre à argent?
Serait-ce qu’un investissement de 27M$ sur une bâtisse hébergant 10 jeunes n’est
pas bien accueilli en période d’austérité budgétaire?
Les photos
ne rendent pas justice à la majesté de l’endroit. Nous sommes situés en haut de
la montagne, profitant d’une vue dégagée sur le village et la rivière qui se
recouvre un peu plus de glace à chaque jour. On y a intégré les meilleurs
éléments des Centres au Sud, tout en triplant la superficie. Et en se dotant d’une
flotte de 5 motoneiges et 5 quatre-roues. Et un bateau. L’objectif ne saurait
être plus clair. On fait le pari qu’un environnement spacieux, illuminé et –surtout-
en territoire Inuit, favorise la réhabilitation de ses adolescentes aux prises
avec des familles dysfonctionnelles et des identités floues. Bref, la
philosophie inverse de nos chers décideurs québécois qui s’entêtent à
construire des bunkers de béton en guise d’écoles au lieu de s’inspirer des
grands sages scandinaves.
Tout ça
pour dire que je retourne à mes anciennes amours de la ville, soit éducateur à
l’interne. Un meilleur lien avec les jeunes, une collaboration étroite avec des
collègues inuits, un emploi plus actif… Je ne peux m’empêcher de sourire à l’idée
d’être rémunéré à pratiquer la pêche sur la glace avec les jeunes demoiselles.
Avis aux intéressés, éducateurs et agents d’intervention seront requis dans les
prochains mois afin de remplacer des vacances, et peut-être éventuellement
pourvoir à des postes.
Inukjuak
est un coquet village de 1600 habitants. Son nom signifie le Géant. Je
couvrirai son intrigant historique lors d’une prochaine entrée. À mon départ de
Kangirsuk, on m’avait mis en garde comme quoi les habitants d’Inukjuak
parlaient très forts(!) Je ne saurais dire. Peut-être mon inuktitut n’est-il
pas suffisamment à point pour le déceler? On m’expliquait également qu’il y a
des différences au niveau du vocabulaire entre les villages, encore plus entre
les 2 côtes. Certains mots ne sont pas universels, des symboles de l’alphabet
se font fugaces. Enfin, on me signalait une utilisation bien moindre de la
voiture au profit du 4-roues et du skidoo. Ça, je peux le confirmer. Ils ont
tout compris. À quoi bon avoir un gros truck à 40 000$ pour ajouter 11km au
compteur quotidiennement?
Malgré les mises en garde, il n'est pas rare de croiser une famille de 5-6 personnes sur le même véhicule. Ils ont l'habitude. Les accidents se font rares. |
Il règne une belle ambiance au village. Les gens
sont chaleureux. Les aurores boréales sont ravissantes. L’hiver nous montre le
côté givré de sa bipolarité. En attendant les grands froids et les blizzards,
on bénéficie d’un terrain de jeu digne d’Éden.
Une petite parcelle de plage qui résiste tant bien que mal. Semblerait que le bronzage et la baignade sont partie intégrante de l'été ici. Au même titre que les moustiques qui se régalent. |