mardi 18 août 2015

Trop de bonnes raisons pour rester!

     7 décembre. C’est la dernière fois que je m’étais emparé de ma plume. La dernière fois que j’avais mis en mots mon quotidien et mes états d'âme nordiques. Pourquoi tant de temps s’est-il écoulé? Bonne question. Ce n’est certainement pas que je sois malheureux, bien au contraire. Ces derniers jours, l’importance de ma mission est revenue à l’avant-plan. Je désirais faire une différence dans un environnement difficile ET je tenais à informer mon entourage des bonheurs et des tribulations d’un coin de pays méconnu. J’ai récemment décidé d’allonger mon séjour d’une autre année. Voici pourquoi :

     La simplicité du quotidien. Certaines personnes se lamenteront qu’il n’y a rien à faire ici. Elles ne sont pas au bon endroit. L’été bat son plein présentement. Pêcher, camper, marcher en montagne, faire brûler un feu de camp, chasser, naviguer en bateau, rouler en 4 roues, courir, se baigner en eau glaciale, ramasser des fruits, déterrer des moules. Ce sont des activités qui s’offrent à nous tous les jours dans pratiquement tous les villages. On sort du travail et 10 minutes plus tard, on a les deux pieds dans l’eau et on se débat avec un Arctic Char de 12 livres. Ici, on ne se pose pas trop de questions. Pas de stress relié au trafic, au métro en panne, à la température de 38C avec l’humidex… Comme je le soulignais l’été dernier, le gros questionnement estival est : À quelle heure est donc la marée haute aujourd’hui? La marée haute signifiant que les poissons mordent davantage… Vous aurez remarqué que j’ai inséré le hobby chasse dans la liste. Rassurez-vous, défendeurs des droits des animaux, je ne compte pas m’y mettre. Par un temps exécrable, j’ai vu un Inuk tirer un caribou dans le confort du siège conducteur de son pickup. Il fumait tranquillement une cigarette en ajustant sa mire. Il n’a pas manqué son coup. Ce n’était pas sa première fois.

                                                   Je vous épargne la photo du caribou abattu.

     Le contraste des saisons. L’hiver blanc. L’été vert. Ça semble simple, mais on en acquiert une toute autre perspective au Nord. L’hiver est rude, interminable, impitoyable. Pourtant majestueux. Il encabane le courage. Il enveloppe parfois notre bonne humeur par son obscurité. Il nous rappelle qu’il est roi et maître de ce territoire. En fait, je le vois comme un test. Il nous impose cette épreuve afin que l’on mérite le soleil et l’été. Un défi personnel durant lequel on remet bien des choix en question. C’est la sélection naturelle. Et la récompense dépasse toute espérance. D'autres fois, tu arrives de vacances un 26 juin, fébrile à l'idée de pêcher et c'est ce qui t'accueille...



     Les Inuit. Après un certain temps, on se fait reconnaître par les enfants dans la rue. Ils joggent quelques mètres avec nous, tendent la main en espérant un high-five, crient notre nom à tue-tête pour le plaisir. Les adultes sont plus discrets. Un signe de tête, un sourire, un geste de la main. Ils respectent le fait que j’y suis depuis un certain temps; Ils ne se méfient plus de ma présence. Des conversations inopinées avec la caissière à l’épicerie, des trucs de pêche échangés avec le voisin. On troque des poissons et des moules. On échange des idées, des souhaits. Malgré un anglais parfois approximatif, ils arrivent à exprimer ce qui les tient à cœur. En accordant de l’importance à leurs vertus au lieu de leurs malheurs, un respect mutuel s’installe.




      Les collègues. On rit. On pleure (pas moi bien sûr). On s’échange des muffins. On se tape parfois sur les nerfs. On explore les environs. On se verse un petit rhum&coke et on parle de nos projets, de nos rêves. On s’encourage dans les journées difficiles. On se fait des festins. En bout de ligne, on se serre les coudes et on s’entraide. C’est drôle, mais quand je suis monté, je voyais mal comment on pouvait nouer de vraies relations ici. Je percevais le Nord comme un monde distinct avec des relations forcées par les circonstances. J’avais résolument tort. Les fous qui montent au Nord, nous sommes tous habités par les mêmes émotions, la même recherche d’un je-ne-sais-quoi. Cette chasse au trésor est bien plus agréable en équipe.

            Salluit               


     La nature. Sans rien enlever à tout le reste, c’est la nature qui nous fait tomber en amour avec le Nord. Telle une partenaire dévouée, elle se permet de petites attentions à notre égard au quotidien :

Un banc de poissons qui dansent à nos pieds à travers une eau translucide.
Des moules à foison, leur multitude dopée par la pleine lune.
Le soleil de minuit.
Un caribou qui gambade sous le soleil à proximité à la sortie de la tente un dimanche matin.
Un coucher de soleil qui recouvre le village de son sublime rose.
Un quinzaine de bœufs musqués à quelques mètres devant moi. Les bébés couraient maladroitement de leurs petites pattes.
Les maisons du village reflétées dans l’eau calme de l’aube.
Un phoque qui tente de s’emparer des poissons avant que ceux-ci ne jettent leur dévolu sur nos lignes.
Des perséides qui fusent de toute part sur une toile de fond d’aurores boréales. Un orgasme pour les yeux.


     Vous noterez que j’ai peu de photos cette fois-ci. C’est que mon téléphone a rendu l’âme (je sais, je sais, c’est devenu une habitude). Je vous décrivais tous ces souvenirs et j’avais des images très précises qui me venaient en tête. Des photos qui vont me rester en tête à jamais. Alors pourquoi rester une année supplémentaire? Il reste encore plusieurs pages libres dans mon album.